Le cimetière Wisigothique d’Estagel

Historique

Le cimetière Wisigothique d’Estagel est situé au lieu dit « Las Tumbas », à 330 mètres environ à l’est du village, sur le côté gauche de la route Montner/Millas. La découverte du cimetière remonte au Second Empire. Le terrain était alors planté en oliviers, et le propriétaire, en déracinant une souche, découvrit une tombe d’homme, sur la poitrine du squelette, au dire de l’inventeur, on recueillit des fragments de fer, une boucle de ceinture et, au milieu des débris de toutes sortes, une fibule à rayons allongée d’un appendice orné de verroteries rouge et d’un masque d’homme stylisé.

Les premières fouilles officielles démarrèrent en 1936 et furent interrompues en 1937(après avoir fouillé cent douze tombes) par l’imminence de la guerre.

Lors des fouilles de 1946 à 1948 quatre vingt quinze tombes supplémentaires furent étudiées.

Le fait le plus important mis en lumière par ces recherches fut de prouver nettement la persistance des coutumes funéraires gallo-romaines et, partant de là, la continuité du peuplement gallo-romain pendant la période des grandes invasions. Du fait que les mobiliers de « Las Tumbas » sont Wisigothiques, on ne saurait cependant être autorisé à conclure que les occupants des sépultures étaient des Germains. S’habiller à l’instar de ses maîtres n’implique nullement l’abandon de ses rites et ses coutumes funéraires. C’est cela que les fouilles d’Estagel ont mis en pleine lumière.L’orientation des fosses, les inhumations multiples à l’intérieur d’un même cercueil, la pauvreté des mobiliers funéraires, prouvent que les morts de notre cimetière étaient pour la plupart de modestes paysans descendants des gallo-romains.

En septembre 2001, de nouvelles fouilles furent entreprises et permirent de mettre à jour quatre vingt cinq tombes supplémentaires. Une surprise venait couronner cette nouvelle campagne. En effet, alors que les tombes gallo-romaines sous domination Wisigothiques sont tournées vers l’est, on apprenait la découverte d’une tombe romaine tournés nord/sud, avec la présence d’une petite amphore devant être destinée à contenir du parfum. Un mystère à ajouter à la question la plus importante et encore non élucidée à ce jour : où se trouve l’habitat des populations enterrées ici ?

(Les journées du patrimoines 2002 Archives départementales des P.O.)

Cimetière Wisigothique d’Estagel au lieu-dit  « Las Tumbas »

A.D 66 4T46 – Gendarmerie Nationale – Compagnie des Pyrénées Orientales – Section de Perpignan – A Estagel, le 24 décembre 1934

Rapport du Maréchal des logis chef Fabregal, commandant la brigade d’Estagel, sur des découvertes archéologiques.

Références, notes 1047 / Compagnie du 10 Octobre 1930.

Dans une vigne appartenant à Mr Averos Joseph, situées à 500 mètres d’Estagel, en bordure de la route nationale N° 612, on a trouvé plusieurs sarcophages en exécutant des trous pour le remplacement des pieds manquants.

Construites en dalles de pierre, ces tombes contenaient des squelettes auprès desquels plusieurs sortes de boucles ont été trouvées. Il y a plusieurs années, des découvertes semblables ont été faites.

D’après M. Bauby, notaire à Estagel, c’est un cimetière remontant à l’époque Wisigothique (an 600 environ).

Il a déclaré étudier ce cimetière depuis plus de trente ans et se propose de publier ses études dans le bulletin de la Société Archéologique.

Fabregal

N° 83803, vu et transmis par le caporal Delclos pour la section de Gendarmerie de Perpignan au chef d’escadron commandant la compagnie de gendarmerie des Pyrénées Orientales à Perpignan.

Il y aurait intérêt au [ ] de [ ] historique et archéologique, à connaître l’origine de ces tombes.

Perpignan le 26/ 12/ 1934

Delclos

Fouilles à « Las Tumbas »


AD 66 4 T 46

Saint Germain en Laye, le 16 décembre 1935.

Le conservateur du musée des Antiquités nationales à Monsieur le Directeur général des Beaux Arts, à Paris.

Fouilles dans le cimetière barbare d’Estagel (Pyrénées Orientales)

Par arrêté en date du 16 octobre 1935, la Direction générale des Beaux Arts a bien voulu accorder une somme de trois milles francs pour les fouilles du cimetière barbare d’Estagel (Pyrénées Orientales), au lieu-dit “Las Tumbas », dans la propriété de M. Joseph Avéros ( voir les rapports de MM. Henri Nodet et Raymond Lantier des 25 janvier et 5 août 1935).

Le retard apporté à la vendange, par la suite du mauvais temps, n’a pas permis de commencer les recherches dans le cimetière, avant le début de la seconde quinzaine d’octobre et il ne fallait pas songer à entreprendre des dégagements importants. D’accord avec M. Joffre, architecte départemental, qui, au cours des travaux, à bien voulu me prêter le secours le plus efficace, il a été décidé de procéder à une série de sondage destinés à reconnaître l’étendue dela nécropole.

Sur le plan qui sera adressé à la direction générale des Beaux-arts par les soins de M. Joiffre, on se rend compte de la disposition générale de la nécropole, sise sur la parcelle n° 928 du cadastre, entre la route de Millas, l’ancien chemin de Montner, les ravins de Linas et de las Clotts. Une faible partie du cimetière a disparu pendant l‘établissement de la route de Millas au cours du siècle dernier, et une trentaine de tombes ont été fouillées en I887, par M. Boby, notaire d‘Estagel, dans le voisinage d‘une « cazotte » (cabane à outils), lors de la plantation de la vigne qui recouvre actuellement les tombes. Celles-ci s‘étendent sur presque toute la superficie de la vigne, principalement vers la partie centrale, là ou le terrain prononce un dos d’âne très marqué. On les retrouve aux environs de la cazotte mais au delà, après un affaissement très net du sol, elles disparaissent. Elles sont également moins nombreuses à la périphérie de 1a vigne.

Les sondages pratiqués en octobre dernier montrent des alignements orientés Est-Ouest et la disposition générale de la nécropole paraît devoir se rapprocher de celles de nos cimetières, alignement séparés par des passages d’environ soixante centimètres de largeur. Vers le milieu, les tombes semblent former des groupes déterminés qu’il serait aisé d’isoler. Mais pour ce faire, il faut procéder à l‘arrachage de la vigne et de pratiquer de très larges tranchées jusqu’au niveau des sépultures dont la profondeur moyenne ne dépasse guère 80cm. Ce n’est que par ce moyen qu’un plan exact pourra être dressé.

Au cours des travaux de reconnaissance, neuf tombes ont été entièrement fouillées, numérotées provisoirement de A à I. Toutes sont constituées par un assemblage de cinq dalles de schiste, formant un véritable cercueil, plus large à la tête qu’aux pieds. Une sixième dalle, souvent monolithe, forme le couvercle. Quelques particularités dans la disposition de ces sépultures seront indiquées dans la description que nous donnons de chacune d’elles.

Tombe A :

Long. 2 m, largeur à la tête, 0 m., 50, aux pieds, O m., 45.

Couvercle monolithe, long. 2 m., 18; larg. à la tête 0 m, 79, aux pieds, 0 m., 70.

La tête du squelette, couché sur le dos, les bras parallèles au torse, était protégé par une plaque de schiste (O m., 87 X O m., 87) reposant sur les parois latérales et dépassant légèrement la longueur de la bière. De même que le couvercle elle était calée par des fragments de schiste rectangulaires disposés en forme de tenons. Le squelette, celui d’une jeune femme, avait été en partie bouleversé par les eaux de ruissellement, et le mobilier funéraire, assez pauvre, n’était plus en place. Il est cependant facile de reconstituer ses dispositions, sur le bassin une petite boucle de ceinture en bronze, encore en place, deux boucles d’oreilles en argent en forme d’anneau replié, terminées à l’extrémité opposée à la pointe par un bouton à facettes, déportée par les eaux vers la paroi gauche du cercueil, une bague de même métal, à chaton obtenu par un aplatissement du jonc, sans trace de décoration ou d’incrustation.

Tombe B :

Long. 2 m., larg. à la tête, O m., 70, aux pieds, O m., 60.

Couverclemonolithe, long. 2 m., 20; larg. 0 m., 75.

La tombe avait été partiellement fouillé par le propriétaire de la vigne au printemps dernier.

Squelette d’homme, couché sur le dos, les bras parallèles au torse. Le mobilier funéraire, assez riche, n’avait pas été déplacé. A la ceinture, grande boucle rectangulaire, en bronze, à large ardillon, à décor de verroterie et d’émail, dessinant un motif cruciforme, entre les branches de la croix quatre grandes étoiles. Un peu au-dessous boucle de large courroie en bronze, sans décor. Autour du cou, collier de perles en verre côtelé, et sur l’épaule gauche, grande fibule digitée avec appendices allongés, ornés de verroteries rouges et bleues, et terminé à l‘une des extrémités par un motif décoratif, figurant une tête humaine stylisée, vers le cou, une petite monnaie fruste d’un Constantin.

Tombe C :

Long. 1 m.,73; larg. à la tête, 0 m., 46, aux pieds, 0 m., 40.

Couvercle brisé en de nombreux fiagments, dimensions approximativement semblables aux deux précédents.

Ossements et mobiliers bouleversés. A la ceinture était placée une grosse boucle dont la forme est semblable à celle recueillie dans la tombe B. Elle a été retrouvée malheureusement dissociés complètement, l’atelier du Musée des Antiquités nationales pourra cependant en reconstituer le motif décoratif, la presque totalité des éléments ayant pu être recueillis au criblage des terres qui remplissaient presque entièrement la tombe. On sait déjà que le décor s’inscrivait dans un losange, lui même inscrit dans un rectangle et que le centre du motif losangé était occupé par un gros cabochon, dans les écoinçons étaient disposées des verroteries de couleur.

Tombe D :

Long. l m., 72, larg. à la tête, O m., 46, aux pieds, 0 m., 44.

Couvercle monolithe semblable aux précédents.

La tombe avait été fouillée par le propriétaire de la vigne. Le squelette (homme) reposait sur le dos, les bras parallèles au torse. A la ceinture, plaque en argent terminée par une boucle de fer, à l’épaule gauche une grande fibule en fer, de la forme dite arbalète.

Tombe E :

Long. l m., 72, larg. à la tête, 0 m., 50, aux pieds, 0 m., 42.

Couvercle, long. 2 m; larg. à la tête O m., 82, aux pieds, O m., 62.

Même plaque de protection au-dessus de la tête que dans la tombe A. Sous la poussée des eaux de ruissellements, la dalle latérale droite s’était éboulée et les terres ayant complètement envahi le cercueil, les ossements avaient été déplacés. Un seul objet avait été déposé dans la tombe, c’est une boucle de ceinture, en bronze, découpé en forme de grossière torsadé.

Tombe F :

Long. 1 m., 60, larg. à la tête, O m., 40, aux pieds, 0 m., 35.

Le couvercle était fait d’une dalle brisée en deux morceaux, une dalle plus petite masquait la cassure

long. l m., 84; larg. à la tête 0 m., 66, aux pieds, 0 m., 52.

Le squelette (femme) était couché sur le dos, le bras droit replié sur le devant du corps, la main sur le thorax. La tombe était complètement intacte, les ossements en position anatomique. Un anneau de fer sur le bassin, sous lequel on a pu recueillir quelques fragments d’étoffe, appartenant peut-être à un suaire.

Tombe G :

Long. 0 m., 84, larg. à la tête, 0 m., 32, aux pieds, 0 m., 27.

Couvercle monolithe, long. 1 m., 07; larg. à la tête O m., 50, aux pieds, 0 m., 47.

Squelette d’enfant; pas de mobilier funéraire.

Tombe H :

Long. 1 m., 90; larg. à la tête, 0 m., 50, aux pieds, 0 m., 40.

Couvercle monolithe, long. 2 m., 30; larg. à la tête O m., 70, aux pieds, 0 m., 60.

Les eaux de ruissellement ayant envahi le coffre de pierre, les ossements (homme) avaient été charriés vers l’emplacement des pieds, formant avec les terres un magma compact. Dans la boite crânienne, s‘était logée ainsi une grande et belle boucle de ceinture, en bronze, dont le décor, croix cantonnée d’étoiles est identique à celui de la plaque recueillie dans la tombe B.

Tombe I :

fouillée par le propriétaire de la vigne, petite boucle en bronze à la ceinture.

Pour si incomplète que soit encore cette recherche préliminaire dans le cimetière barbare d’Estagel, elle apparaît déjà comme très encourageantes, aussi bien par la valeur archéologique des pièces recueillies que par les particularités observées dans la disposition des sépultures. Un fait se dégage dès maintenant, c’est la similitude des sépultures des cercueils faits de dalles de schistes qui n’offrent aucune différence vraiment marquées si ce n’est dans deux cas (tombes A & E, femme) la présence d’une plaque de protection disposée au-dessus de la tête. Une même constance apparaît dans la nature des mobiliers funéraires, ceux-ci sont peu nombreux et jusqu’à ce jour, aussi bien dans les tombes que j’ai moi-même fouillées que dans celle explorées par M. Boby, il y a une cinquantaine d’années, ils consistent exclusivement en objets de parure, plaques de ceinturon, boucles de ceintures, fibules, anneaux d’oreilles, bagues. Aucune arme, aucun outil n’ont encore été recueillis. Les sépultures d’enfants ne contiennent aucun mobilier, les femmes ont été inhumées avec de bien pauvres bijoux, c’est dans les tombes des hommes que les objets les plus intéressants ont été découverts. Ce sont de grandes plaques de ceinture, à très riche décor d‘émail et de verroteries, souvent disposés en motifs cruciformes cantonnées d’étoiles aux branches grêles, et c’est là, dans notre archéologie, une ornementation peu fréquente. Elle est particulière aux régions méridionales et c’est avec la civilisation wisigothique de l’Espagne que les parallèles devront être recherchés. Enfin, c’est là un fait fort important, le cimetière d’Estagel ne paraît pas avoir été violé par la main de l’homme, malgré la faible profondeur à laquelle sont enterrées les sépultures. Les bouleversements observés sont le fait de phénomènes naturels, en particulier du ruissellement des eaux à travers les terres schisteuses, le cercueil formant une sorte de puisard où se sont accumulées les boues.

Les recherches du mois d’octobre dernier m’ont été grandement facilité par la complaisance du propriétaire de la vigne, M. Joseph Averos, qui a offert les objets découverts précédemment par lui au Musée des Antiquités nationales où tout le produit des fouilles est et sera déposé. D’accord avec M. Averos dont je joins l’autorisation à ce rapport, je demande à la commission de vouloir bien ordonner le classement, comme Monument Historique, de la vigne dite Las Tumbas, à Estagel, M. Joffre fera parvenir à la direction générale des Beaux-arts, le relevé cadastral et le plan des parties reconnues du cimetière.

M Averos autorisant la continuation des fouilles en 1936, je serais reconnaissant à la commission de vouloir bien mettre à ma disposition une somme de dix mille (10 000) francs, tant pour les travaux de fouilles que pour les indemnités du propriétaire pour l’arrachage de la vigne. Dans son rapport du 25 janvier 1935, M. Nodet a sous estimé le prix de revient du pied de vigne, se basant sur les tarifs en vigueur dans le département de l’Hérault. d’après mes renseignements, il faut compter une somme d’environ quarante francs pour Estagel, où les vignes sont surtout plantés de grenaches. Un accord avec M. Averos, permettra sans aucun doute de rétablir une moyenne moins élevée, celui-ci, aux cours des fouilles de 1935, n’ayant pas réclamé l’indemnité pour les pieds qui ne rapportaient pas.

Le cimetière wisigothique d’Estagel est une des rares nécropoles barbares du Midi de la Gaule qui, fouillée avec le soin nécessaire, peut très heureusement compléter notre documentation sur la civilisation de ces régions à l’époque des invasions et, dans une certaine mesure, combler les vides provoqués par la dernière guerre dans cette branche de nos antiquités nationales.

Après les fouilles de M. Raymond Lantier en 1935 et 1936 puis en 1946, 1947, 1948, relatées dans la revue Gallia tome 1 fascicule 1 de 1943 pages 153-188 et tome 7 fascicule 1 de 1949.

Une semaine de fouilles a été entreprise par le professeur Alessandri en 2001. Il a été trouvé une tombe romaine.

Actuellement un travail est en cours pour mettre à jour toutes les données recueillies et les reliées aux autres sites wisigothiques.

Une parties des objets trouvées dans les tombes