Le commerce

La boulangerie

Quatre types de baux différents ont trait à la boulangerie (fleca). Tout d’abord, le bail de la boulangerie ou droit de vendre le pain, ensuite, celui du four à pain lui-même, ensuite celui de la pelle du four, et enfin, celui de l’approvisionnement en bois du four qui semble être, pour le XVIIIe siècle, identique, à l’exception de la mention de la fourniture du bois, aux actes d’arrentement du four du XVIIe siècle.

Le bail de la boulangerie

Le bail de la boulangerie est passé ordinairement pour un an au XVIIe siècle. Le début du bail est fixé au 25 juillet, jour de la Saint- Jacques. Au siècle suivant, le bail débute le 13 avril (bail de 1747 et 1752).
Le rentier devra en acquitter le prix en deux termes égaux, l’un à Noël et l’autre à Pâques au XVIIe siècle, et la moitié au 1er juillet, l’autre moitié à Noël au XVIIIe siècle.
Il devra pourvoir la boulangerie abondamment, de jour comme de nuit, de façon que ceux de la ville et les étrangers n’en manquent pas, faute de quoi, il sera condamné à une amende de 3 livres à chaque manquement.
La farine devra être passée à deux tamis, et les clavaires (ceux qui reçoivent les taxes) lui donneront le prix de la pierre en fonction de ce qu’il aura payé pour l’achat du blé.
Les clavaires lui donneront le poids du pain. Si le pain n’est pas du poids voulu, il sera confisqué au profit de l’œuvre de l’église d’Estagel et le rentier s’exposera également à une amende de 3 livres.
Le pain devra être blanc et fait avec du blé froment et non avec du méteil et du seigle, toujours sous la peine de la même amende à chaque manquement. Toutefois, le boulanger pourra faire du pain brun pour ceux qui le désirent, à condition qu’il ait toujours du pain blanc.
Le fermier ne pourra faire d’autre profit que de 2 livres 6 sols 8 deniers par charge de blé, et il sera tenu de fournir les certificats du blé qu’il aura acheté hors de la ville.
Si le rentier est tenu d’aller chercher du blé à l’extérieur de la ville, il devra se faire établir un certificat du bayle ou des consuls de la ville dans laquelle il aura pris les grains.
Outre le prix du bail, le rentier sera également tenu de payer le salaire du crieur public et du notaire qui rédigera le contrat.
Le fermier sera tenu de faire moudre le blé dont il aura besoin pour faire le pain au moulin de la ville et de faire cuire le pain au four de la ville.
Enfin, le rentier paiera aux oeuvriers de l’œuvre de l’église de Saint Vincent d’Estagel, 4 livres de cire blanche pour la fête de la saint Vincent de janvier.
Le fermier sera exempt de loger des gens de guerre pendant la durée de son bail.

Le bail du four

En 1771, le four à cuire le pain de la ville d’Estagel est situé aux barrys, dans une maison proche du cimetière (qui s’étendait alors non loin de l’église et jusqu’à la place actuelle). Cet acte nous indique que la maison est contiguë avec un patu et que le cimetière la jouxte à l’est, le patu et la maison étant séparés par la rue menant au four. Pour ces bâtiments, l’abbaye reçoit tous les ans, à la saint Vincent, 2 deniers d’argent de censive (1).
Le bail débute dans la plus grande partie des actes le jour ou le lendemain de Saint-Mathias, apôtre, le 25 février (une vingtaine de contrats au moins, depuis 1595 au moins jusqu’en 1649). Par contre, au XVIIIe siècle, le bail débute le 11 mars.
Le four est appelé « forn de courer pa » (2). (Four à cuire le pain)
Le rentier devra payer son  bail en deux termes égaux, l’un le 15 juin, et l’autre le jour de la Toussaint. Il devra fournir des cautions (3).
Il prendra un pain tous les trente pains qu’il cuira.
Les habitants de la ville auront le droit de faire cuire deux fougasses par part de pain sans rien payer. En outre, les habitants d’Estagel auront droit de faire cuire  » 4 tortells per pastarada » (Gâteaux ronds avec des fruits) sans rien payer ;  il devra seulement les tenir en compte. De même, pour chacune des quatre fêtes annuelles et pour les deux « festas majors », il devra aussi leur laisser faire des tortells, qu’il rendra aussi en compte, Pour les 2 fêtes mages, il devra laisser les habitants cuire les « empanadas » qu’ils voudront sans rien exiger d’eux.
Outre le prix du bail, le rentier donnera aux consuls le jour de Pâques 10 dobles d’or, et durant le mois d’avril, 50 livres en monnaie d’argent pour le salaire des consuls et du syndic, et enfin 6 livres de cire blanche huit jours avant la fête du Corpus Christi (4), ainsi que le salaire du notaire et du crieur public pour leurs travaux. Divers censaux (ou pensions annuelles) que le rentier payera en plus du prix du bail sont également mentionnés au XVIIe siècle: 10 livres le jour de Pâques à B. Pinades, marchand de draps et de soie de Perpignan, suite au censal que don Félip Albert recevait sur les biens de la ville, et 20 livres à Jean Llaurador, d’Estagel, pour un autre censal (5).
Encore outre le prix du bail, le fermier donnera au révérend Bernard Berga, « mestre dels minyons » (Maître des écoles) d’Estagel 2 doubles d’or ou leur équivalent pour la fête de la sainte Marie d’août et 50 livres à l’œuvre de l’église pour le censal que la ville lui fait, et ce le 29 mars et les salaires des consuls et 8 dobles d’or quand elles leur seront nécessaires (6). Notons que pour le contrat de 1682, ce n’est pas Etienne Tixa, pagès d’Estagel, qui obtient le bail, comme l’avait indiqué le crieur public, mais Pere Reynalt, autre pagès d’Estagel, dont le premier était peut être l’homme de paille.
Les consuls et la ville d’Estagel ne seront pas tenus en quoi que ce soit, sauf si les habitants fuient Estagel à cause de  la guerre ou de la peste.

Le bail de la pelle du four

La publication du bail se fait pendant 30 jours (7).
Le bail de la pelle du four à cuire le pain débute la veille de celui du four, c’est-à-dire, au XVIIe siècle, le jour de la Saint Mathias (24 février). Au XVIIIe siècle, conformément aux baux du four à pain, il débute aussi la veille du jour de début du bail du four (10 ou 11 mars, selon les années).
Le paiement devra être effectué en deux termes égaux, le premier à la Pentecôte, le second pour la Toussaint, le tout en deniers comptants et en monnaie d’argent (8). Le rentier devra fournir des cautions, et ceux-ci devront être de la juridiction du seigneur de la ville d’Estagel.
Le rentier ne devra pas mettre des roseaux ni du lin sur le dessus du four. S’il le fait et que celui-ci subisse des dommages, il devra les payer à ses dépens.
Le rentier ne pourra pas faire le bois pour alimenter le four, ni personne pour lui (probablement parce que la rente en est attribuée à part). Il devra tenir la porte de la rue du dit four fermée, car dans le cas contraire, si on lui vole le bois, il devra le payer de ses deniers.
En outre, il ne devra pas laisser faire la fournée par une femme.
Si une ou plusieurs fournées se perdent par la faute du fermier (soit que le pain soit cru, soit qu’il soit brûlé), il devra payer tout le pain suivant l’estimation qui en sera faite par les consuls ou après que le clavaire ait vu le pain perdu.
Le fermier ne pourra céder la pelle à qui que ce soit sans le consentement des consuls.
Le rentier devra payer les salaires du crieur et du notaire en sus du bail, ainsi qu’une somme de 3 doubles d’or qu’il devra donner au consuls le 15 mars suivant le début du bail (baux des années 1682 et 1683) (9).
Le fermier sera obligé de passer deux fois le balai à l’endroit seulement où se met le pain blanc. Il sera aussi obligé de fermer les deux bouches du four avec des chiffons entourés autour avec de la cendre mouillée à la fin des fournées de chaque jour.
Le fermier sera tenu d’entretenir deux clés: celle de la porte du four et celle d’une armoire.
Le fermier sera également tenu de ramoner ou faire ramoner les cheminées des fours tous les trois mois.
Les consuls et la ville d’Estagel ne seront pas tenus en quoi que ce soit par « estérilitat de temps » (famine), sauf si les habitants fuient Estagel à cause de  la guerre ou de la peste.
Enfin, 8 jours avant la fête du Corpus Christi, il devra donner 4 (10) livres de cire blanche pour illuminer le Saint Sacrement. Dans le bail de 1753, la cire devra être livrée le dimanche avant la fête des Quarante Heures (11)

Le bail de la fourniture du bois pour alimenter le four (12)

Nous avons étudié quelques exemples de ce bail pour les années 1783 et 1785 (13). Il est passé pour un an à compter du 11 mars (Ces années-là, le bail de la pelle du four débute la veille). Le fermier paiera la bail en 2 termes égaux, au 1er juillet et à Noël. Il devra fournir le bois pour chauffer deux fours, ceci afin que le public soit mieux servi. Si quelqu’un veut pétrir et qu’il n’y ait pas de fournée, il devra fournir le bois nécessaire pour chauffer les dits fours. Il ne pourra les chauffer avec des « rouills » sous peine d’amende. Les jours de fête locale, il fournira le bois si quelqu’un veut faire des « empassades » et autres choses, sans rien lui payer.
Si Sa Majesté fait venir à Estagel des boulangers afin de faire du pain de munition pour les troupes, il sera obligé de fournir le bois en payant seulement ce qui sera réglé de gré à gré.
Le fermier retirera pour son droit, de trente pains un. Lorsque le fermier aura pris ce qui lui est nécessaire pour sa subsistance et celle de sa famille, il pourra vendre le pain restant à robe (14) et à demi robe.
Les particuliers pourront faire 4 tourteills sans rien payer les jours qu’ils pétriront cette « pasterade » sans que le fermier puisse rien exiger d’eux, et 2 gâteaux ou fougasses, aussi sans rien payer.
Outre le prix du bail, le dimanche avant les quarante heures, le fermier paiera le poids de 10 livres en cierges au marguillier majeur de l’église d’Estagel et 10 livres (de 40 sols) en argent au receveur de la communauté d’Estagel, suite à une ordonnance de l’Intendant de Roussillon donnée en 1754, ainsi que le droit de 10 sols pour livre au même receveur.
Le fermier devra en outre remettre au fermier la pelle du four une pelle de fer pour retirer les braises du four, et à la fin de son bail, ce dernier sera obligé de la remettre à son successeur.

  1. A.D. Pyrénées-Orientales, H 243, acte de 1771, article 5.
  2. A.D. Pyrénées-Orientales, 1 C 1747. Bail du four à pain de 1683.
  3. Cf: ci-dessous (de la juridiction du seigneur).
  4. 10 livres dans le bail de 1685.
  5. A.D. Pyrénées-Orientales, H 246. Bail du four à pain de l’année 1627.
  6. A.D. Pyrénées-Orientales, 1 C 1747. Bail de 1682.
  7. A.D. Pyrénées-Orientales, 1 C 1747. Bail de 1684.
  8. A.D. Pyrénées-Orientales, 59 EDT 13. Dans les baux de 1746 et 1785, les échéances sont le premier juillet et le 25 décembre.
  9. A.D. Pyrénées-Orientales, 1 C 1747. L’utilisation qui devra être faite de cette somme n’est pas précisée dans le contrat.
  10. A.D. Pyrénées-Orientales, 1 C 1747.Six livres dans le bail de 1690 et A.D.66, 59 EDT 13, 10 livres dans celui de 1785.
  11. A.D. Pyrénées-Orientales, 59 EDT 13.
  12. D’après le contrat de 1785, ce droit paraît être le même que celui du four qui se faisait au XVIIe siècle, sauf que dans ces derniers, le bois n’est pas mentionné pour les années que nous avons dépouillées.
  13. A.D. Pyrénées-Orientales, 59 EDT 13.
  14. Il s’agit d’une mesure de poids. (A vérifier)

Par Marie Josée Bonnes et Bernard Péricon